ONU_RDC: Allocution de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO à l'Assemblée générale des Nations Unies (Intégralité)
Discours de Son Excellence Monsieur le Président de la République Démocratique du Congo,, Félix-Antoine TSHISEKEDI
TSHILOMBO au débat général de l'Assemblée générale des Nations Unies à New-York ce mardi 21 septembre 2021.
Monsieur le Président de la soixante-seizième session de l’Assemblée
Générale,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les Chefs des délégations,
C’est avec un réel plaisir que nous retrouvons cette Salle de l’Assemblée générale après un peu plus d’une année d’absence par suite de la pandémie de la covid-19, cette peste du 21ième siècle qui secoue l’humanité, particulièrement par le nombre élevé de ses victimes, la destruction des économies des nations et l’aggravation de la pauvreté dans le monde.
Ces retrouvailles sont encourageantes. Elles permettent d’espérer davantage un
retour à la vie normale dans nos pays et ce, grâce au génie de nos scientifiques
et aux efforts communs de nos États, dans un élan de solidarité internationale remarquable. Nous devons accroître ces efforts et renforcer cet élan de solidarité pour vaincre définitivement la pandémie de coronavirus, relancer la croissance de nos économies et assurer un meilleur avenir aux populations de notre planète.
C’est pourquoi, je salue le choix du thème pour cette 76e Session de l’Assemblée générale, à savoir : « Miser sur l’espoir pour renforcer la résilience afin de se relever de la COVID-19, reconstruire durablement, répondre aux besoins de la planète, respecter les droits des personnes et revitaliser l’Organisation des Nations Unies ». Ce thème traduit bien notre détermination d’éradiquer la Covid-19 et notre désir de rebâtir le destin commun par le multilatéralisme, sous la coordination d’une ONU à la hauteur des défis existentiels de l’humanité,
notamment celui de la réalisation des objectifs du développement durable et inclusif.
Monsieur le Président,
La victoire contre la Covid-19 n’est possible et durable que si le combat demeure une affaire de tous et si nous atteignons un taux d’immunité collective suffisant pour l’ensemble de l’humanité.
Pour sa part, l’Afrique n’a pas croisé les bras et n’entend point capituler devant une quelconque fatalité du destin. Au contraire ! Elle a mis en place une stratégie.
continentale commune contre la COVID-19. Dans ce cadre, elle a créé un Fonds de réponse à la COVID-19 et lancé une plate-forme de fournitures médicales pour garantir à tous ses pays, l’accès aux équipements et fournitures nécessaires.
L’Afrique a signé, le 28 mars 2021, par le canal de l’African Vaccine Acquisition Trust (AVAT), un accord pour l'achat de 220 millions de doses de vaccins et certains pays africains ont initié le projet de création de l’AGENCE AFRICAINE
DES MÉDICAMENTS ; d’autres produisent déjà des vaccins sous licence. D'ici janvier 2022, le nombre de vaccins à distribuer dépassera, dans notre continent, les 25 millions par mois.
Des chercheurs africains de renommée mondiale en sciences médicales ont proposé une gamme des remèdes efficaces contre le Corona virus qui méritent
d’être soutenus par notre organisation mondiale et les institutions scientifiques
spécialisées. A ce sujet, je saisis cette occasion pour remercier tous les
partenaires qui ont apporté leur appui aux efforts du continent dans la lutte contre la Covid-19.
Quoiqu’il en soit, tout en nous félicitant des progrès incontestables de la science médicale en ce qui concerne le dépistage du virus et l’invention du vaccin dans un temps record, il y a lieu de constater malheureusement que le mal est encore loin d’être éradiqué. La récurrence de la pandémie qui, comme une hydre, en est à sa troisième vague, plus virulente que les précédentes, notamment en Afrique et dans d’autres contrées du monde, inquiète et consume les espoirs suscités par ces avancées significatives.
C’est pourquoi, pour renverser définitivement la tendance actuelle, les actions ci-après me paraissent urgentes :
Premièrement : augmenter la capacité des tests dans les pays qui ne disposent pas des produits de laboratoires requis ;
Deuxièmement : assurer un approvisionnement suffisant et rapide en
médicaments et équipements nécessaires à la prise en charge des malades ;
Troisièmement : généraliser la vaccination en approvisionnant en vaccins
ceux qui ne les produisent pas et en les dotant de capacités de production locale. C’est ici le lieu de lancer un appel à la communauté internationale pour
soutenir le projet de création de l’Agence Africaine des Médicaments ;
Quatrièmement : encourager la recherche médicale et accroître la
coopération scientifique entre les institutions universitaires ;
Cinquièmement : soutenir les politiques de réforme des structures
sanitaires et élargir la couverture des soins de santé au plus grand nombre dans les pays en développement.
Monsieur le Président,
La Covid-19 n’est pas seulement destructrice de vies humaines. Elle est aussi un virus de l’économie mondiale qu’elle a plongée dans la récession, aggravant ainsi notamment la vulnérabilité et la dépendance des économies des pays pauvres dont beaucoup sont africains.
De plus, l’impact de la baisse généralisée des activités économiques a été particulièrement ressenti, en Afrique, par les populations les plus vulnérables dont les femmes et les enfants notamment par la perte des emplois, la chute des revenus et les déperditions scolaires.
Aussi, en même temps que nous nous employons à extirper le corona virus de la
vie de nos populations, devons-nous, nous atteler à relancer l’économie mondiale
au risque de fragiliser davantage ces populations, de briser leur résilience et de
compromettre pour longtemps le retour à la prospérité ainsi qu’à la normalité
sociale.
Nous ne pouvons gagner cette bataille que dans le cadre d’un effort commun et sur base d’une feuille de route définie ensemble. Ceci exige un partage des responsabilités et plus d’équité dans la complémentarité que commandent la
mondialisation de nos économies et la globalisation des enjeux internationaux.
Dans le contexte actuel de la crise sanitaire due à la pandémie de COVID -19, les économies Africaines ont grandement besoin de financement pour se redresser, cela, d’autant plus que les efforts internes pour amortir le choc de la pandémie et limiter ses dégâts collatéraux se sont avérés nettement insuffisants comparativement aux pays nantis. Dès lors, la reprise qui s’amorce risque d’être inégale , creusant ainsi davantage les écarts entre l’Afrique et le reste du monde.
C’est pourquoi, l’Union africaine (U.A) salue toutes initiatives portant sur le financement des économies africaines affectées par la Covid-19 notamment celles du G20 sur la suspension du service de la dette et du cadre commun pour la restructuration de la dette ; du Sommet de Paris du 18 mai 2021 qui a lancé l’idée d’un New Deal, du 4e Sommet du Pacte G20 pour l’Afrique, aussi appelé COMPACT WITH AFRICA, de la reconstitution ambitieuse des ressources de l’IDA 20, et surtout la nouvelle allocation de 650 milliards de dollars américains de droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds Monétaires International (FMI) pour répondre aux besoins de financement des économies des pays en difficulté par suite de la pandémie.
Toutefois, les 33 milliards de DTS alloués à l’Afrique dans ce cadre sont insuffisants au regard de l’immensité de ses besoins de relance économique.
C’est pourquoi, il est nécessaire que les Nations Unies et ses États-membres appuient l’objectif du Sommet de Paris, d’atteindre 100 milliards de DTS pour l’Afrique, grâce à la réallocation aux pays pauvres de 25% de DTS alloués aux pays riches. Au demeurant, une partie de cette réallocation pourrait contribuer à
l’augmentation du capital de la Banque Africaine de Développement et de la
Banque Mondiale. Il est également souhaitable que ces ressources
exceptionnelles concourent à promouvoir plus vigoureusement l’entreprenariat des jeunes en Afrique, l’accès aux capitaux pour les petites et moyennes
entreprises ainsi que l’économie verte.
C’est dans cet esprit que je demande un soutien massif des partenaires
techniques et financiers à l’initiative de l’Alliance sur l’entreprenariat en Afrique annoncée lors du Sommet de Paris qui tiendra sa réunion constitutive dans les
prochaines semaines.
La République Démocratique du Congo plaide pour l’accélération de la mise à
disposition effective des ressources par le FMI, sans oublier l’impératif d’alléger la dette des pays africains et de matérialiser toutes les promesses faites à l’Afrique en compensation des sacrifices consentis afin de préserver l’humanité contre le réchauffement climatique.
S’agissant particulièrement du réchauffement climatique, il convient de rappeler qu’il reste moins de six semaines avant la COP26 et 9 années avant 2030. Pour l’Afrique, l’année 2030 sera marquée par une baisse du PIB pouvant atteindre 15%, une réduction des rendements agricoles et une forte augmentation de risque d’inondation côtière et dans les pays insulaires. Pour faire face à ces impacts négatifs, d’ici à cette échéance fatidique, le continent africain aura besoin de 30 milliards de dollars américains par an pour s’adapter. Ce montant devrait passer à environ 50 milliards de dollars d’ici 2040.
C’est pourquoi, je lance un appel à la communauté internationale en général et aux amis de l’Afrique en particulier de soutenir le programme d’Accélération de l’Adaptation en Afrique (AAA) dirigé par la Global Center Adaptation (GCA) et la Banque Africaine de Développement, programme qui entend mobiliser 25 milliards de dollars américains en cinq ans pour aider l’Afrique à supporter les chocs des changements climatiques.
Ainsi, au-delà des proclamations de foi et de bonnes déclarations d’intention, la relance de l’économie mondiale sera une réalité pour tous et la solidarité internationale aura un contenu palpable notamment pour les peuples africains.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Chefs de délégation,
L’Afrique n’a pas besoin d’aumône ! Elle se bat pour conquérir des espaces de liberté et d’action dans un monde toujours en compétition, afin de se forger un destin meilleur et d’apporter davantage sa contribution au progrès général de l’humanité.
L’Afrique a besoin de partenariats constructifs et gagnant-gagnants pour mettre en valeur ses fabuleuses richesses naturelles, se doter d’infrastructures de développement et améliorer les conditions de vie de ses populations.
A l’évidence, l’atteinte de ces objectifs exige des institutions démocratiques fortes et stables, des politiques publiques adéquates, la bonne gouvernance et
l’intégration régionale.
Ni les capacités, ni le dynamisme des populations et, encore moins, les ressources naturelles ne font défaut à l’Afrique pour ce faire. Globalement, des progrès substantiels ont été accomplis au cours de ces deux dernières décennies
en termes de consolidation des processus démocratiques, de croissance économique et de lutte contre la pauvreté, en dépit de la contrariété impitoyable des relations internationales ainsi que des conséquences néfastes des changements climatiques.
Cependant, le fléau de l’insécurité provoquée par les cohortes de terroristes, de groupes armés, de mercenaires et de criminels de tous bords met à mal la stabilité institutionnelle de nos jeunes démocraties et annihilent les efforts de nombreux dirigeants africains pour développer leurs pays.
En effet, si la lutte contre DAESH a remporté au Moyen-Orient, plus précisément en Irak et en Syrie des victoires incontestables, en Afrique, par contre, l’AQMI et autres groupes affiliés à DAESH gagnent du terrain chaque jour davantage.
Le Mali, le Niger, le Nigeria, le Cameroun, le Tchad et le Burkina-Faso subissent régulièrement les attaques meurtrières de DAESH et des djihadistes de Boko-Haram.
Depuis 2017, le Nord-Est du Mozambique est victime des attaques armées récurrentes des salafistes djihadistes de Ansar al-Sunnah qui ont déjà causé au moins 2.600 morts.
L’intégrisme islamiste a atteint l’Est de la République Démocratique du Congo qui en paie un lourd tribut dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema. Des djihadistes qui y opèrent sous le couvert du FDLR et du mouvement Alied Democratic Forces/Madima at Tauheed wal Muwahedeen, en
abrégé ADF/MTM, tuent mes compatriotes et pillent massivement les produits miniers et agricoles de mon pays.
En avril dernier, des terroristes et des mercenaires venus de la Lybie ont plongé
l’Afrique dans une profonde tristesse en lui arrachant brutalement, l’un de ses grands dirigeants, le Maréchal Idriss Deby ITNO, Président de la République du Tchad, lâchement abattu au front pour défendre la souveraineté de son pays et la vie de ses concitoyens. Du haut de cette tribune des Nations Unies, je salue, au nom du Peuple congolais, la bravoure et l’engagement de cette figure historique pour protéger l’Afrique contre le terrorisme
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les chefs des délégations,
L’Afrique refuse de servir de base-arrière au terrorisme international ! Raison pour laquelle certains dirigeants africains comme ceux du G5 Sahel se sont organisés pour mutualiser leurs forces contre cet ennemi commun.
Pour traduire la volonté et la détermination farouche du Peuple congolais et de ses dirigeants de participer activement à l’éradication du terrorisme qui non seulement détruit les nations et compromet l’avenir de la démocratie dans le monde, mais aussi étend de plus en plus ses tentacules en Afrique, la République Démocratique du Congo a adhéré à la Coalition mondiale contre le terrorisme comme quatre-vingtième membre. Mon pays se félicite de la décision prise par la réunion de la Coalition tenue à Rome, le 28 juin dernier, de créer en son sein un groupe de travail sur le terrorisme en Afrique.
Monsieur le Président,
L’article 1er point 1 du Chapitre premier de la Charte des Nations Unies dispose clairement que de l’un des buts de la création de l’Organisation des Nations Unies est de « maintenir la paix et la sécurité internationales ». De nos jours, la paix et la sécurité internationales sont largement tributaires de la stabilité interne des États membres.
C’est pourquoi, lorsque des États africains sont déstabilisés ou menacés de déstabilisation notamment par le terrorisme, l’ONU a le devoir de les soutenir activement dans leur combat héroïque pour le bien-être de l’humanité toute entière, au-delà des déclarations de compassion et d’intentions, peu suivies
d’effets sur terrain.
Si la communauté des nations minimise le danger que représente la propagation du djihadisme en Afrique ; si elle n’adopte pas une stratégie globale et efficace pour éradiquer ce fléau, les plaies ouvertes dans la zone saharienne, en Afrique centrale et australe continueront à se métastaser jusqu’à faire jonction pour devenir une menace réelle pour la paix et la sécurité internationales
Aussi, la République Démocratique du Congo soutient la mise en œuvre d’une stratégie mondiale contre le terrorisme reposant sur les piliers ci-après :
1. l’adoption des politiques sécuritaires concertées ;
2. le renforcement des moyens des États, notamment par la mutualisation des
ressources et l’échange d’informations sécuritaires,
3. le respect des droits de l’Homme et
4. la prévention.
Dans le cadre de la prévention justement, il est essentiel de souligner qu’en sus du traitement sécuritaire impliquant les services d’intelligence et d’action, nous devons promouvoir le traitement socioéconomique en amont centré sur
l’éducation, l’emploi des jeunes et la lutte contre la pauvreté, pour extirper durablement le terrorisme de nos sociétés. Tant que les injustices et les
inégalités entre les nations et les individus persisteront dans le monde, le terrorisme trouvera toujours un terreau fertile pour son émergence et sa propagation.
Lire la suite (pages de 9 à 15) jointe en PDF ci-dessous.
Mise en ligne par Bill Kantanga/Oeildupeuple.com
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